Les bruits d'explosion se faisaient entendre au loin, alors que quelques cris se faisaient deviner. Cette fois, c'était sûr, la guerre était à nos portes.
Je n'ai jamais été ce qu'on peut appeler un homme de terrain, je me suis toujours contenté de diriger de loin et, ma Foi, je le faisais très bien.
Oh, mais laissez-moi me présenter. Je m'appelle Nasu Yuga et j'ai 26 ans. Issu d'une famille extrêmement riche, j'ai reçu une éducation stricte et des enseignements de premier ordre. De plus, j'ai cette chance d'assimiler tout ce qu'on m'enseigne à une vitesse incroyable. A mon âge, je suis déjà ce qu'on peut appeler de nos jours, un Chef de Guerre.
« PARDON ? »
Avais-je bien entendu ? Moi, le fils d'un des hommes les plus riches du Japon, le Chef de Guerre renommé, ils m'envoyaient sur le front ?
« Mais, enfin, je ne suis pas un soldat Impératrice ! Je suis la tête, je n'ai jamais été les bras. »
Et c'est bien pour ça que l'Impératrice et ses fidèles Chamanes m'envoyaient sur le front. Ils avaient besoin de force, mais aussi de stratégie. L'Impératrice m'expliqua brièvement que mon manque d'expérience sur le terrain ne serait plus un problème pour moi à l'avenir.
« Un sort ? De la magie ? Vous voulez que ces mecs s'amusent avec les Dieux et les Démons à nos dépends ? Avec tout le respect que je vous dois, Impératrice, est-ce que vous pensez vraiment qu'aider nos amis Coréens mérite de mettre en jeu l'âme de sept de vos sujets ? »
Je n'attendis pas la réponse. Bien que j'étais un humain tout à fait normal, je pus sentir la tension, l'énervement, la magie des Chamanes autour de moi.
Nous étions tous les sept réunis en présence de l'Impératrice et de ses Chamanes dans une salle sombre, éclairée seulement par des bougies, disposées de façon régulière dans un dessin qui représentait un pentagramme. Les Chamanes nous dirent de nous mettre à genoux, ce que nous fîmes aussitôt, ne voulant pas les énerver ni contrarier notre respectable Impératrice. Je regardai mon frère et pus lire dans ses yeux de la peur. La même peur pouvait-elle se lire dans les miens ?
Il faisait froid dans cette pièce sombre. Un vent s'était en effet bizarrement levé. Alors qu'un frisson s'empara de mon corps, je pus apercevoir, au loin, derrière l'Impératrice, une ombre, ou, plutôt, un amas.
Des corps ? Oui, j'en avais bien l'impression, des corps inertes se trouvaient derrière l'impératrice. A vue d'œil, il y en avait sept.
« Mais qu'est-ce que... »
Je n'eus le temps de finir ma phrase, que les Chamanes commencèrent leurs incantations.
« Phasmatos Raverus Un Animun »
Une douleur intense me saisit dans le ventre et je me mis à crier. En regardant autour de moi, je pus voir que, non seulement mon frère, mais aussi les cinq autres "élus" se tordaient de douleur avec moi.
« Phasmatos Raverus Un Animum »
« Mais, enfin, qu'est-ce que vous nous f... »
La douleur m'empêcha de finir ma phrase... je m'évanouis...
Sept personnes se tenaient là, debout, devant moi, sans dire un mot. Ils ne sourcillaient pas, leur regard était vide, noir, sans expression. Rien ne semblait exister autour d'eux, comme si leur âme avait disparu, comme s'ils étaient... morts !
« Etes-vous... êtes vous les corps que j'ai vu derrière l'Impératrice ?»
Aucune réponse ne sortit de leur bouche. Seul le vide, le noir, l'inexorable silence de la mort. Soudain, l'un d'eux s'avança vers moi. Sa bouche s'ouvrit, il allait prendre la parole :
« Le sort est une réussite !»
J'entrouvris les yeux. La voix qui venait de m'extirper de mes rêves était celle d'un Chamane qui s'adressait à l'Impératrice. Je l'entendis dire que tout avait marché comme ils le voulaient et qu'il n'y aurait aucun effet secondaire mais que, cependant, ils ne pouvaient en être sûrs tant ce sort était puissant, contre nature et, aujourd'hui, utilisé pour la première fois.
« Des corps... ce sont bien des corps que j'ai vu derrière vous ?»
Je n'avais pas pu m'empêcher de poser cette question. L'Impératrice et ses Chamanes tentèrent de me faire croire qu'il n'y avait jamais rien eu de tel dans cette pièce, mais je ne pouvais pas les croire. Je me relevai et tapotai mes vêtements. Apparemment, j'étais le dernier à m'extirper de ce sommeil forcé. Les autres "élus" n'étaient déjà plus dans la pièce.
« Tu as une heure pour dire au-revoir aux gens que tu aimes !»
Les Chamanes avaient jeté leur sort, fait mumuse avec nous, étaient censés nous avoir donné une force surhumaine, mais la vérité, c'est que je ne me sentais absolument pas différent. Tout en moi était pareil si ce n'est cet atroce mal de tête. Je décidai alors d'aller voir la personne, sur cette planète, que j'aimais le plus, Min Kyung, mon éternel Amour.
Je me courbais à 90° en guise de respect et me retournais vers la porte quand une voix m'interpella derrière. C'était la mère de Min Kyung, l'une des Chamanes qui avaient jeté ce maudit sort sur nous, qui voulait venir avec moi. Malgré, à ce moment-là, toute la haine que je pouvais ressentir pour elle, j'acceptai.
C'est ainsi que je me retrouvai chez Min Kyung, en compagnie de sa mère. Son parfum, son sourire, sa voix, ses yeux, tout en elle me faisait vibrer, me faisait frémir, me réchauffait. Elle était tellement belle, avec son sourire enfantin qui n'allait pas avec sa voix rauque, sa petite frange recouvrant ses yeux quand elle ne soufflait pas dessus, sa façon idiote de rigoler et de parler en Coréen, sa langue maternelle, quand elle est gênée. Oui, si jolie, si émouvante, si attendrissante... si appétissante !
J'avais envie de la serrer dans mes bras, de toute mes forces, jusqu'à l'étouffer.
« Yuga, ça ne va pas ?»
La douce voix de Min Kyung me sortit de ma stupeur. En effet, je remarquai que quelque chose en moi n'était pas normal. Je sentais mes tempes vibrer, frapper en mesure et j'avais l'impression que mes yeux allaient sortir de leurs orbites. De plus, j'avais l'impression que je pouvais entendre le cœur de Min battre. Non, pas seulement le cœur de Min, celui de sa mère aussi. J'entendais ce raffut, régulier, le flot de leur sang, coulant dans leurs veines, s'expulsant dans leurs artères, dans un vacarme régulier telle une rivière suivant son cours.
« .. Tout va bien Min Kyung. Venez dans mes bras mon aimée et réconfortez votre homme !»
Je la pris dans mes bras et la serra, du plus fort que je pouvais. Je sentais son corps contre le mien, l'odeur de son parfum, de sa peau, sa texture. Oui, j'avais peur de partir en Corée. Non pas parce la mort me terrifiait, mais parce que j'étais pétrifié à l'idée de ne plus jamais la revoir. Elle était la seule chose en ce bas monde que j'aimais plus que ma famille, plus que ma propre vie. Non, la mort ne me faisait pas peur. Seule sa perte me terrorisait. La seule éternité que je voulais vivre était à ses côtés, au Paradis.
« Ma Tendre, quand je reviendrai de Corée, je vous épouserai !»
Son sourire et ses larmes furent la plus belle des réponses. Je vivais un moment incroyable, le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire. Je le serrai dans mes bras de plus belle et fis la chose la plus normale qu'on pouvait faire dans ces moments-là... je lui déchiquetai la carotide !
Ses hurlements ne m'arrêtaient pas. Je prenais un plaisir fou à sentir sa vie quitter son corps, petit à petit et ni les coups qu'elle me donnait, ni les incantations de sa mère, censées m'exploser le crane en mille morceaux, ne me faisaient arrêter.
Son corps s'écroula au sol, inerte, exempt de toute vie et je me retournai vers sa mère. Pas à pas, lentement, le regard plus noir que celui du Diable, lui-même, je m'approchai d'elle.
« Toi... nous avons créé des monstres !!»
Je souris en coin, malicieusement, de façon démoniaque et la saisis par la gorge.
« Non... vous nous avez enfin libéré !»
Un gros bruit se fit entendre. Ecœurant, choquant, ce bruit n'était autre que celui de ma main, transperçant sa cage thoracique, à la recherche de son cœur, encore frais, battant.
« Le vacarme est enfin fini !»
Le soulagement que je pouvais ressentir quand le bruit assourdissant des deux cœurs battant s'était arrêté était indescriptible. Je lâchai au sol le cœur encore chaud de ma belle-mère et me retournai vers le corps de ma bien-aimée.
Mais qu'avais-je donc fait ? Qu'est-ce qui s'était donc passé ici ? Ce sang ? Ces corps sans vie ? Ces atrocités ? Etais-je le responsable de toute cette immondice ? Je tremblais, inexorablement, mon corps se remuait sans que je ne puisse le contrôler. Je ne sais pas pourquoi je tremblais. Était-ce la peur ? L'excitation ? La soif peut-être ? Aucun mot ne sortait de ma bouche, je restais là à regarder les corps meurtris de mes victimes. La guerre n'avait pas encore commencée que le sang avait déjà coulé. Dans mon esprit, des milliers de questions se faisaient la guerre pour atteindre ma bouche en premier, mais aucune d'elles ne gagna ce droit. Pour conclure sa transformation en vampire, vous devez vous abreuver de sang humain et je venais de le faire, avec le sang de ma moitié... avec le sang d'une Chamane. Je venais, sans le savoir, de sceller mon sort à tout jamais, pour l'éternité et l'éternité quand vous êtes immortel, croyez-moi, c'est long !
Je fis demi-tour, marchai sur le corps de ma belle-mère sans même m'en apercevoir, m'essuyai les pieds sur le tapis et ouvris la porte. Ils m'avaient donné une heure pour dire au-revoir aux gens que j'aimais :
« Au-revoir !»